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blog de cheval debout
24 septembre 2014

Rythines et Tasmacètes

Ou l'on parle de grands mammifères marins et de que cela m' inspire

Cet été j'ai eu la chance de partir en croisière sur un bateau à voile. Sur la proposition d'un ami, passionné de cétacés, nous partons à la rencontre des baleines. De baleines ne verrons point, pour cause de conditions mauvaises et de mal de mer généralisé... Mais nous avons pu nous pencher au bastinguage à 200km des côtes, au large de la bretagne. « je regarde l'abime et l'abime regarde au fond de moi »... Sentir l'immensité, cette forme de désert pour l'homme qui est un monde presque inexploré. Sentir la création qui garde ses mystères. Sentir de nouveau que la terre est grande. J'avais failli oublier.

Je feuillette un livre sur les cétacés. Différentes éspèces, zones de répartition, bref résumé des connaissances sur chacune. Je tombe sur la page consacrée au Tasmacète de Shepherd, Tasmacetus Shepherdi, famille des Ziphiidés, « baleine à bec ». Pas de photos... pour la bonne raison qu'on n'en a jamais vu un vivant, un dessin montrant l'aspect d'un dauphin géant, 6-7m, 2200-2700kg.

tasmacète

 

Il n'a pu être identifié et classé que par une paire de spécimens ou deux retrouvés échoués. Pour le reste... zone de reproduction, régime alimentaire, combien ils sont, combien de temps ils portent leurs petits, quel langage ils parlent.... néant. Savoir qu'on ignore tout d'un animal de cette taille ouvre pour moi une grande zone d'ombre et de mystère., crée un territoire de questionnement et de stupeur émerveillée.

La terre redevient soudain vaste et magique. Une raison d'être pour les générations à venir se fait corps... Aller à la rencontre des tasmacètes ! Savoir ou ils habitent, ce qu'ils mangent... quelle aubes australes viennent caresser leur nageoires...  DES EMPLOIS ! Pour utiliser le monolangage en vigueur, un sens à nos existences...

 En revanche, il n'y a plus rien à dire sur la Rythine de Steller. La galerie paléontologique du Jardin des plantes de Paris abrite le squelette d'une spécimen. Massif, long de près de 10m, des os plus gros que ma cuisse. « Famille des Dugongs et des Lamantins, ordre des Siréniens ». L'histoire tient en dix lignes sur un panonceau jauni, peut être aussi vieux que la galerie elle même. : Vers 1740, on découvre l'existence de cet animal... qui broute tranquillement le fond des eaux peu profondes du pacifique nord. Enorme, pas farouche, et surtout bien gras... Dans la foulée, d’héroïques marins se mettent à le « chasser »... et à peine trente ans après, la « vache de mer » n'est plus qu'un souvenir. Extinction. Fin de l'histoire.

Rhytine_de_Steller_1

 

Saveur de gouffre, sensation d'une tristesse insondable, d'une perte définitive. Comment appréhender un événement que ma conscience peine à héberger, tellement il me paraît immense. La nuit des temps, des animaux paisibles, gigantesques, qui de leurs gros yeux mouillés contemplent le fond de l'océan, contemplent leurs petits, les allaitent, font des danses d'amour dans des circonstances infiniment mystérieuses et contribuent à la beauté plus qu'à l'équilibre d'un milieu... Et puis soudain, l'homme... et puis l'instant d'après plus rien.

 Des os blanchis dans un musée remplis d'autres os blanchis d'autres animaux disparus pour toujours... en voie d'extinction, gravement menacés, en danger etc...  Coucou c'est nous ! L'humanité !

 Coucou c'est moi... Un jour j'emmène ma fille au jardin des plantes voir les squelettes de dinosaure et je suis bouleversé. Hanté. La Rythine de Steller me hante. Ne pas espérer se remonter le moral en visitant la galerie de l'évolution refaite à neuf pourtant, interactive, scénographiée, tout en verre et en lumière artificielle... ou la ménagerie. La même ritournelle macabre y sévit sur des tonalités diverses.

 Des animaux étranges peuplaient la terre il y a très longtemps... ils ont disparus... bon d'accord... L'homme ouvre ses ailes de métal et déploie l’étendard de son avidité, de sa faim. Et puis en moins de cent ans, un nombre incalculable d’espèces, poils, plumes, coquilles, chitines tombent dans le gouffre de l'extinction, le trou noir dont on ne ressort pas...

 On va tous mourir... d'accord... passe encore... puisque tout passe... On va tous s'éteindre... Euh … j'hésite...  Et on va éteindre au passage tout ce qui bouge, toute cette vermine qui nous fait l'affront de vivre sans travailler, tout ces petits piafs qui passent leur temps à voler et à piailler, sapés comme des princesses, sans rien payer, sans sucer, ça doit cesser. Toutes ces petites mécaniques parfaites, en bonne santé qui fourmillent dans le moindre centimètre carré de forêt qui font la nique à nos robots imbéciles avec leur danses d'amour et les jolis nids qu'ils tressent avec leur petites pattes. sans obéir à personne, ça doit cesser. Tous ces poissons zélés qui baladent leur peau brillante ou ils veulent. Alors qu'ils pourraient finir de crever dans la glace des supermarchés... Pour au moins participer à l'Economie ! Si ils pouvaient se jeter tous d'un coup dans les filets ça irait plus vite. Et on en parlerait plus jamais.

 J'ai bon espoir qu'un jour, dans pas très longtemps j’espère, on sera passé à autre chose. On aura plus ces zoos ni ces musées morbides. On aura plus ces harpons dégueulasses, et ces filets immenses, on aura plus de tronçonneuses ni de pelleteuses. Et on regardera notre époque comme on regarde le temps de l’esclavage, ou celui de l’apartheid, le temps des colonies, le temps d'avant le droit de vote des femmes... On réduira en poudre le dernier squelette de la Rythine et on fera un rituel pour disperser ses restes dans le Pacifique, on ira en procession demander pardon à la terre, pleurer sur ce qui est perdu, et dire merci pour ce qui reste...

 

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